M. Cornillard ou le syndicalisme ouvrier dans la Vallée du Cailly

Adversaire socialiste de Maurice Lebon puis de Gustave Quilbeuf dans la 3ème puis dans la 4ème circonscription de Rouen lors des élections législatives de 1891, 1893, 1898 et 1902, l'ouvrier jardinier et employé d'industrie Onésime Cornillard, né à Canteleu le 14 avril 1844, prit une part active dans la diffusion du syndicalisme ouvrier au coeur de la Vallée du Cailly.

 


" […] En 1888, des groupes socialistes naissent à Sotteville, Bondeville, Darnétal et dans la vallée industrielle de Maromme où existe un Syndicat des ouvriers et de l’industrie. Un vieux républicain des années impériales, l’ouvrier jardinier Cornillard, a donné son adhésion au P. O. S. R. (1) Dans la salle des machines d’une usine en ruines, Cornillard convoque chaque dimanche le peuple de la vallée à venir assister à sa controverse politique avec le grand patron de l’endroit [Maromme], M. Besselièvre fils (2).

 

[…] A l’élection [législative] complémentaire de fin février [1891], […] dans la 3ème circonscription [de Rouen], Cornillard porte pour la première fois dans cette circonscription le drapeau socialiste et obtient 1.036 suffrages.

  

[…] Aux élections générales [législatives des 20 août et 3 septembre] 1893, les socialistes rouennais sont unis pour présenter des candidats : Cornillard recueille 1.700 voix dans la vallée du Cailly ; Gislette, ouvrier tailleur, trouve sur son nom 5.000 suffrages dans la banlieue industrielle et agricole de Rouen ; et Lucas, pharmacien, en obtient 1.100 à Rouen-Ville. Ces suffrages viennent des électeurs radicaux ; ils sont dirigés contre les opportunistes au pouvoir. Pendant dix ans, leur nombre augmentera peu, mais ils deviendront des suffrages socialistes.

 

[…] Lorsque arrivèrent les élections générales [des 8 et 22 mai] 1898, la Fédération socialiste affronte la lutte électorale dans cinq circonscriptions. A Elbeuf, l’un des frères Martin, que le Ministre Dupuy avait fait arrêter après l’attentat de Caserio contre Carnot, est candidat. Il obtient 1.200 voix. A Rouen et Sotteville, c’est Orange ; il provoque un ballottage qui trouble les bourgeois, car il a obtenu 5.000 voix, malgré le remaniement de la circonscription et arrive le premier, et de beaucoup, des républicains. Mais, au second tour, républicains et royalistes font cause commune et Orange est battu, la société sauvée. A Maromme, Cornillard obtient 2.700 voix. Laville est présenté à Fécamp et Bolbec ; il a 300 voix. Jennequin en obtient 1.200 au Havre.

 

[…] Aux élections municipales [des 6 et 13 mai] 1900, le Parti présente des candidats à Sotteville où tous sont élus sauf un. A Petit-Quevilly, Lucas et un vieux militant syndicaliste Alleaume sont élus avec quatre autres camarades ; Lucas devient adjoint au maire. A Grand-Quevilly, Boullet est élu. Au Houlme, deux camarades sont élus, qui lâcheront le Parti aussitôt ; à Notre-Dame-de-Bondeville, Cartier est élu ; lorsque, quatre ans plus tard, il tiendra la municipalité, et qu’on lui promettra à la préfecture un siège de conseiller d’arrondissement, il lâchera le Parti. Son parent, Cornillard fils, l’imitera dès qu’élu à Malaunay il aura obtenu un poste d’adjoint. A Saint-Étienne-du-Rouvray, huit camarades sont élus; mais la lassitude et le départ de quelques-uns traqués par le patronat en fera fondre le nombre petit à petit. A Rouen et au Havre, aucun élu. Les résultats n’en sont pas moins un succès ; Sotteville n’est plus la seule commune à posséder des élus socialistes. Aussi la Préfecture commence à voir d’un mauvais œil les militants et elle traque tous les fonctionnaires connus pour appartenir au Parti.

 

[…] En 1902 [27 avril et 11 mai], la Fédération [socialiste] décide de lutter dans trois circonscriptions législatives : Le Havre, Rouen banlieue et Maromme. Ses candidats sont : Philippe, imprimeur, [1ère circonscription du] Havre; Renaudel, vétérinaire, [2ème circonscription de] Rouen ; et Cornillard, jardinier, à Maromme [4ème circonscription de Rouen]. La campagne fut acharnée ; Philippe, Renaudel, Cornillard, Lepez, Fauconnet et Bazire firent plus de 150 réunions publiques. […] La Fédération obtint 12.000 suffrages pour ses trois candidats. Tous les candidats radicaux furent battus (3), même le député Ricard (4), ancien ministre de la Justice, député de Rouen depuis vingt ans. Au deuxième tour, Philippe fut désisté en faveur de M. Siegfried (5) qui venait d’être battu comme sénateur parce que dreyfusard. Élu, M. Siegfried devint et est resté le plus acharné adversaire du Socialisme et des socialistes. Mais la campagne avait porté. "

 

Extrait de Hubert ROUGER, La France socialiste, tome III (Les Fédérations, 2° partie), 1921, vol. de l’Encyclopédie socialiste, syndicale et coopérative.

 

(1) Le Parti ouvrier socialiste révolutionnaire (POSR) était un parti socialiste français (1890-1901) de tendance allemaniste. Il est l’un des partis ayant indirectement donné naissance au parti socialiste SFIO en 1905. (Source : Wikipédia)

 

(2) Né en 1862, Louis Besselièvre fut, entre 1891 et 1914, directeur de la fabrique de toiles indiennes éponyme fondée à Maromme par son grand-père Thermidor Besselièvre en 1823. Son père, associé à la direction de l’affaire paternelle à partir de 1848, fut le maire de Maromme de 1877 à 1894, commune qui l’avait vu naître en 1830. (Source : Jean LAMBERT-DANSETTE, Histoire de l’entreprise et des chefs d’entreprise en France, vol.5, Editions L’Harmattan, 2009.)

 

(3)  Ils avaient — sauf un — perdu tous leurs sièges cantonaux au renouvellement de 1901 où la Fédération socialiste, sans résultat appréciable, avait présenté E. Halley et Vasseur à Rouen, Laville et Mark au Havre, Lucas à Grand-Couronne et Cornillard à Maromme.

 

(4) Louis Ricard [1839-1921], avocat, fut maire de Rouen de 1881 à 1886, député de la Seine-Inférieure de 1885 à 1902, Ministre de la Justice et des Cultes du 27 février au – décembre 1892 dans le gouvernement Emile Loubet, puis à nouveau Ministre de la Justice du 1er novembre 1895 au 24 avril 1896 dans le gouvernement Léon Bourgeois.

 

(5) Jules Siegfried [1837-1922], entrepreneur, fut premier adjoint, puis maire du Havre (1870-1873 et 1878-1886), député (1886-1897 et 1902-1922), sénateur (1897-1900) et conseiller général de la Seine-Inférieure. Il fut également Ministre du Commerce, de l’Industrie et des Colonies du - décembre 1892 au 30 mars 1893 dans le 1er et le second cabinet Ribot. 

 

 

M. Cornillard fut délégué au Vème Congrès national des syndicats et groupes corporatifs ouvriers de France qui se tint à Marseille entre le 19 et le 22 octobre 1892 :

 

  

cornillard 

 

   

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