L'église de Houppeville foudroyée en 1914

Publié le par David Thieulin

Journal de Rouen du dimanche 21 juin 1914.

153ème Année. – N° 172

 

Les orages – À Houppeville

 La Foudre tombe sur l’Église. – Un incendie se déclare. – Les Dégâts sont peu importants.

      L’orage qui a sévi durant toute la journée d’hier avec une telle intensité sur toute la région a provoqué à Houppeville un commencement d’incendie qui aurait pu avoir des conséquences particulièrement graves. La foudre est tombée sur l’église et y a mis le feu. La nouvelle s’en répandit fort vite à Rouen et aux environs, et elle y provoqua une vive émotion.

     L’église de Houppeville constitue, en effet, un des plus curieux monuments de la région.

     Elle ne possède, il est vrai, qu’une nef assez humble, bâtie en pierre et en silex et percée de fenêtres rectangulaires. Mais son chœur, construit en pierre blanche aux environs de 1540 est plus monumental. Il possède encore sa vitrerie complète, sept vitraux peints à Rouen vers 1545 et qui représentent la Vierge à l’Enfant, le Jugement dernier, la Dormition de la Vierge, la Crucifixion, la Descendance de sainte Anne sous forme d’arbre généalogique, l’Incrédulité de saint Thomas, et enfin les saints qui protégeaient contre la mort subite et contre les épidémies : saint Christophe, saint Sébastien, sainte Barbe et saint Roch.

     C’est vers quatre heures que l’événement se produisit. M. l’abbé Levacher, curé de Houppeville, était dans l’église, occupé, avec sa mère, à orner le maître-autel pour aujourd’hui. L’orage était alors dans toute sa violence. Soudain, à la suite d’un éclair fulgurant, un coup de tonnerre ébranla les vitraux.

     « La foudre doit être tombée sur l’église », dit l’abbé Levacher qui monta précipitamment au clocher. Il n’y remarqua pourtant rien de suspect et sortait pour aller prévenir le maire, M. Reitel*, lorsque, à la porte de l’église, il constata qu’une épaisse fumée sortait par les « abat-sons » du clocher. La foudre tombant sur le coq de l’église, avait suivi les tiges de fer qui le fixent à une solive et avaient enflammé celle-ci.

     Immédiatement, l’abbé Levacher donna l’alarme. M. Reitel et le garde champêtre, M. Linant, accoururent et, avec l’aide d’habitants, organisèrent les premiers secours. M. Mauger, notamment, qui exerce la profession de menuisier, monta dans le clocher. Aidé de plusieurs personnes, il pratiqua à coups de hache une coupure dans la solive enflammée, tandis que d’autres montaient des seaux d’eau et les projetaient sur le foyer.

     Mais le feu menaçait de prendre une réelle intensité. Toute la toiture flambait et les sauveteurs eussent été impuissants à enrayer le commencement d’incendie sans l’arrivée des pompiers du Houlme, que M. Reitel avait fait mander par téléphone.

     Sous les ordres du lieutenant Loiselier, du sous-lieutenant Beaudet, des sous-officiers Lecoq et Delahaye, les pompiers du Houlme mirent en batterie une pompe à vapeur et projetèrent sur le clocher des torrents d’eau. Peu à peu, le feu diminuait de violence et vers cinq heures le coq et la solive qui le supportait tombaient dans le cimetière dans un grand fracas et en projetant tout à l’entour une pluie d’étincelles.

     Vers six heures arrivaient à leur tour les pompiers de Notre-Dame-de-Bondeville, sous les ordres du capitaine Varin. Avec autant de dévouement que leurs collègues, ils collaborèrent au sauvetage et vers sept heures tout danger pouvait être considéré comme écarté.

     Sur les lieux de l’incendie et aidant à le combattre, se trouvaient également M. Martin, adjoint un maire de Houppeville, et la plupart des conseillers municipaux ; M. Docquois**, instituteur ; M. Heurtevant, garde champêtre du Houlme. Le brigadier de gendarmerie du Houlme, M. Romain et le gendarme Sorel assuraient le service d’ordre grâce auquel le moindre incident fut évité.

     Tout s’est donc borné fort heureusement à des dégâts peu importants. Le rustique clocher, démantelé, que soutiennent des poutres encore fumantes, a seul souffert. « Je n’aurais pas hésité, nous disait l’abbé Levacher, à demander qu’on fît la coupure de la nef, si l’incendie avait pris de trop fortes proportions ». On n’a pas eu besoin d’en venir, Dieu merci, à cette solution désespérée et les admirables vitraux n’ont eu à souffrir ni du feu, ni de l’eau ce qui est, après tout, le point essentiel.

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* Alphonse Reitel, né à Quincampoix le 30 novembre 1869, exerçait la profession de cultivateur. Il fut maire de Houppeville de 1910 à 1919. 

** Raymond Docquois, né à Longpré (Somme) le 31 décembre 1860.

 

 

eglise foudroyee

Recherches et notes  : David Thieulin    

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