Inauguration du Monument aux Morts le 17 juillet 1921

Publié le par David Thieulin

 

Journal de Rouen – lundi 18 juillet 1921

L’Hommage d’Houppeville à ses Héros

 

Dans la riante commune d’Houppeville, qui dresse, au milieu d’un décor de rêve, son clocher pointu, ses toits de chaume, ses jardimonument aux mortsns, ses maisons aux fenêtres fleuries, ses murs blancs tapissés de plantes grimpantes ; dans Houppeville que la belle saison remplit de gaîté, de parfums et de chants d’oiseaux, tout était hier solennité et recueillement. C’est qu’à l’égal de toutes les villes de France, Houppeville, cruellement meurtrie par la guerre, entendait honorer dignement ses glorieux morts.

La manifestation fut magnifique : pas un habitant qui n’ait tenu à rendre aux chers disparus le pieux hommage dû à leur impérissable mémoire.

Le matin, dans la vieille église, joliment décorée, un service religieux fut célébré par M. l’abbé David, curé de la paroisse. Un catafalque, recouvert du voile tricolore, était dressé à l’entrée du chœur. Devant une grande affluence de fidèles, M. l’abbé David, un ancien combattant, prononça, à la mémoire de ses glorieux frères d’armes, une allocution vibrante, un hymne d’admiration, de reconnaissance et de piété. La musique municipale d’Houppeville, qui était présente à la cérémonie, exécuta un programme musical choisi.

La cérémonie officielle de l’inauguration du monument se déroula au cours de l’après-midi. De bonne heure, toute la population d’Houppeville se répandit par les rues et les venelles, tout ornées de mâts, d’oriflammes et de drapeaux.

A 2 h. ½, l’automobile officielle arriva et stoppa devant la mairie. On en vit descendre M. Roux, vice-président du conseil de préfecture en grand uniforme ; MM. Lemarchand, conseiller général, et Cartier, conseiller d’arrondissement l’accompagnaient.

La Marseillaise retentit, qu’exécutèrent sous la direction de leur chef M. Petit, les musiciens de l’harmonie municipale, massés, près du perron d’entrée, auprès du groupe des anciens combattants, des familles des morts et des enfants des écoles.

M. Gilles, le nouveau maire d’Houppeville, entouré de son conseil municipal, reçut les autorités dans la salle d’honneur de la mairie, et leur présenta les notabilités de la commune. A l’issue de cette réception, une petite cérémonie eut lieu, en présence de la foule, sur le seuil même de l’édifice municipal.

M. Roux épingla sur la poitrine de Mme Martin, mère de 17 enfants, dont 13 vivants, la médaille d’or des familles nombreuses ; Mme Cordier, mère de 17 enfants, dont 11 vivants, reçut la même distinction des mains de M. le conseiller général Lemarchand. Puis M. Cartier remit à M. Ernest Durand, qui s’est signalé par sa bravoure, la médaille de sauvetage.

La musique entonna le « Joyeux Troubadour », en l’honneur des médaillés, et prit la tête du cortège qui se rendit au monument.

Alors, entre une double haie de spectateurs, on vit s’avancer, dans le costume traditionnel, M. Quibeuf, garde champêtre, ouvrant la marche, puis derrière la musique, les groupes des fillettes et des garçons que conduisaient leurs maîtres, Mme Larue et M. Lerebours ; puis les autorités. Aux côtés de M. Roux, vice-président du Conseil de préfecture, présidant cette solennité, MM. :

Le colonel Malraison, représentant le général Lebrun, commandant le 3ecorps d’armée ; Raymond Lemarchand, conseiller général du canton de Maromme ; Cartier, conseiller d’arrondissement ; Joseph Gilles, maire de Houppeville ; Martin, adjoint ; les membres du conseil municipal ; les notabilités de la commune et plusieurs maires et conseillers des communes voisines ; MM. Hue, Féron, Voitard, Desmarais, etc. ; les membres du comité d’érection du monument.

Suivaient les anciens combattants, arborant avec une juste fierté leur glorieux insigne ; puis le groupe douloureux des mères, des veuves, des orphelins, les yeux mouillés et les bras chargés de bouquets et de gerbes de fleurs fraîchement cueillies.

Au carrefour de la route de la Mairie, le monument aux morts, que cisela avec bonheur M. Duchaussoy, de Rouen, élève sur un fond de verdure sa pyramide de pierre blanche où sont gravés les noms des braves dont s’honorera à jamais la commune d’Houppeville :

Henri Copin, André Das, Georges Desmeillers, Louis Digard, Henri Fontaine, Adolphe Henry, Ernest Gott, Antoine Grelin, Auguste Levasseur, Auguste Laquerrière, Isidore Lamotte,Edmond Letellier, Gustave Lours, Laurent Petit, Albert Petiton, Marcel Pimont, Albert Vimoutier, François Videcoq, Marcel Vaussard.

Le cortège fit halte et une cérémonie émouvante commença.

M. Martin, président du comité d’érection du monument, remercia les habitants d’Houppeville de leur générosité qui a permis d’élever aux héros un monument digne de leur sacrifice, puis il confia solennellement ce monument à la municipalité.

M. le maire, très simplement, avec des mots partis du cœur, accepta le dépôt sacré et remercia le comité d’avoir mené à bien la mission qui lui était confiée. Il glorifia les morts et assura les jeunes pupilles de la commune que la reconnaissance due à leurs pères rejaillirait sur leurs jeunes têtes, car on ne saurait oublier qu’ils sont les fils de ceux qui sont morts pour la justice et la liberté.

Après que M. le maire eut prononcé ces réconfortantes paroles, les familles s’approchèrent pour déposer leurs bouquets et leurs gerbes, et ce fut bientôt, au pied du mausolée, un amoncellement de fleurs et de rubans tricolores, auxquels avaient été épinglées médailles militaires et croix de guerre. Les enfants des écoles chantèrent un chœur patriotique.

Au nom des anciens combattants, M. Larue, leur secrétaire, vient ensuite proclamer qu’il est nécessaire d’entretenir vivace au sein des foules le souvenir du sacrifice des grands morts. Il dit aussi l’urgence qu’il y a à ne pas différer plus longtemps l’exécution du traité de paix.

De beaux discours politiques furent alors prononcés par M. Cartier, M. Raymond Lemarchand, puis par M. Maillard, député de la Seine-Inférieure, qui avait rejoint le cortège avec un léger retard, ayant été retenu à Pavilly par une autre cérémonie. La musique joua la marche funèbre de Chopin.

C’est M. Roux qui prit le dernier la parole. Il prononça un magnifique discours où il sut dégager l’enseignement qu’a été pour notre beau pays une guerre terrible. Il montra que ce n’est qu’en nous pénétrant, dans l’accomplissement de la tâche pacifique qui nous incombe, de l’idéal élevé pour lequel la France a combattu, que nous serons dignes de nos grands soldats qui sont morts pour l’indépendance nationale.

La cérémonie prit fin. Un vin d’honneur fut servi aux invités tandis que sur le sol altéré tombaient les larges gouttes d’une pluie bienfaisante.

 

Recherches : DT

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